Mégane Likin, diplômée des Beaux-arts de Liège, est à la Fondation privée du Carrefour des arts

Mégane Likin, diplômée des Beaux-arts de Liège, est à la Fondation privée du Carrefour des arts

La Fondation privée du Carrefour des arts a entre autres comme vocation d’assurer des résidences pour jeunes artistes :

« La Fondation privée du Carrefour des Arts a été créée en 2008 sous l’impulsion de passionnées d’art plastique contemporain concernées par la difficulté des jeunes artistes de trouver un contexte favorable au développement de leur art.
Soucieuse de la nécessité de réunir les meilleures conditions permettant un travail créatif serein, la Fondation a d’emblée orienté son soutien aux boursiers avec une vision d’ensemble de leurs besoins.
Ouverte en 2010, la résidence d’artistes offre des ateliers lumineux et conviviaux en plein centre de Bruxelles. Les jeunes lauréats peuvent y réaliser leur projet individuel tout en étant accompagnés par une professionnelle historienne de l’art qui participe à ce qu’ils s’épanouissent dans l’expression de leur vocation.
Une bourse mensuelle est versée aux artistes pour l’achat de leur matériel et un vernissage suivi d’une exposition de leurs œuvres leurs permet de conclure la résidence par la mise à jour publique de leurs réalisations.
Cet engagement global et attentif de la Fondation a favorisé l’émergence de nombreux jeunes talents et elle est fière de compter parmi ses anciens boursiers des artistes qui ont pu se consacrer à leur vocation et qui exposent leurs œuvres à travers le monde. » (Fondation privée du Carrefour des Arts).

Cette année 2022, la Fondation a sélectionné quatre artistes en résidence, dont Mégane Likin (site), artiste diplômée en Master en Peinture en 2018 aux Beaux-arts de Liège. Après de multiples expositions, souvent remarquées, quelques articles de presse souvent élogieux, et l’intégration au sein d’une galerie d’arts, Mégane Likin a ainsi intégré pendant quelques mois la Fondation. La Fondation privée du Carrefour des arts la présente ainsi :

« Mégane Linkin (Huy, 1994), est une artiste multidisciplinaire, qui pratique la photographie, le dessin et la peinture. Fenêtres dessinées au crayon sur bois ou sur papier, la matière fait émerger de l’horizon les paysages qui, entourés d’un bord blanc qui évoque le silence, invite à une forme d’écoute et d’attention particulières. Peu à peu, l’on comprend, avec les mots d’Emmanuel d’Autreppe, “qu’il ne s’agit pas tant de contemplation, et qu’il n’est même, malgré les apparences, pas vraiment question de paysage dans le travail de Mégane Likin ; elle peint des souvenirs, résurgences vagues et précises qui pourraient être les nôtres, qui sont peut-être les nôtres, qui sont sûrement les siens. Et dont la fragilité et l’apparence d’inachèvement nous font comprendre qu’ils émanent d’une matière changeante, évolutive. La mémoire n’est pas faite d’instants gravés pour l’éternité, immuables, comme a parfois tenté de nous le faire croire certaine pratique de la photographie. Elle est au contraire mouvante et ondoyante comme un ciel que font et défont les nuages, s’approche et repart comme une mer renouvelée. Et la voilà qui peint des choses qui ne bougent pas, dans le même temps où elle photographie des ombres à peine mobiles.”
L’effacement comme geste principal, explique l’artiste. Paradoxalement, c’est un acte visant à faire émerger la pensée de celui qui verra, ou ne verra pas. Les souvenirs par essence font partie de ce qui est éphémère. Progressivement, ils tendent à disparaître pour ne laisser que des impressions. L’impression, la trace, l’empreinte, celle laissée sur le bois ou sur le papier finement marqué évolue pour ne laisser que des instants mouvants, ondoyants qui se redessinent inlassablement. ». (Fondation privée du Carrefour des Arts)

Comme il se doit, cette résidence amène à une exposition qui présente fruit des quatre artistes lauréat :

« La Fondation Carrefour des arts est heureuse de vous présenter les travaux de ses quatre lauréats 2021-2022, réalisés au cours des 9 mois de résidence. D’un atelier à l’autre, plongez-vous dans quatre univers en dialogue. Au départ du passé, de la mémoire, du souvenir ou encore du futur, chacun des artistes a créé sa propre histoire, et partage son rapport au monde qui l’entoure. Préoccupée par l’avenir de nos sociétés, Camille Dufour crée des univers apocalyptiques où la nature autant que les êtres subissent les ravages de nos modes de vie contemporains. La nature est également au cœur des préoccupations de Téo Becher, qui s’intéresse aux liens qu’elle entretien avec l’humain dans la forêt urbaine qu’est la Forêt de Soignes. Pour Mégane Likin, l’histoire d’une famille qu’elle décrypte à partir d’une boîte trouvée au marché aux puces est prétexte à l’entreprise d’un voyage personnel, et imaginaire, qui prend la forme de paysages évanescents. Dans l’atelier de Paul Gérard, vous pourrez vivre une expérience immersive vous plongeant dans l’histoire des homosexuels cachés dans les années 1960 à Bruxelles. À partir d’une histoire familiale, il crée un décor entre fiction et vérité, entre enquête et créativité. De la gravure à la photographie, en passant par la peinture et l’installation, quatre personnalités à découvrir jusqu’au 26 juin. » (Fondation privée du Carrefour des Arts)

Cette exposition consacre chez Mégane Likin une nouvelle direction de recherche, après, par exemple, celle de la photographie :

« Le nouveau travail de recherche de Mégane Likin, mené à la Fondation privée du Carrefour des arts, prend son origine dans une boîte à photos trouvée, et dans la réinterprétation de son contenu qui dévoile, au fil des clichés, les pérégrinations d’une famille, au demeurant non identifiée, durant les années 60. Geste moins simple qu’il n’y paraît, et aux conséquences souvent plus vertigineuses qu’on ne pense.
Dans le champ de l’art actuel, et singulièrement dans celui de la photographie, la relecture historique, voire la réécriture créative, ont clairement le vent en poupe. On ne compte plus, depuis quelques années, les études à propos de photographie vernaculaire, les tentatives diverses pour revaloriser, si besoin en était, la photo de famille ou amateur, ni les plasticiens utilisant la photographie anonyme comme support à leur travail — support à la fois en terme de soutien, de matière première et de matériau physique, concret.
Encore la démarche de Mégane Likin se distingue-t-elle précisément de la plupart de ces stratégies plus ou moins “réappropriationnistes”. En ceci qu’elle ne travaille pas “sur l’image” à proprement parler, mais plutôt “à partir de”, et ce “partir de” a ici tout son sens et toute son importance. Partir d’où, et pour aller vers quoi ?
Tout comme le “Grand Tour” du XIXe siècle, auquel tout “honnête homme” (honnête et bourgeois, s’entend) se devait de s’adonner, a permis à travers la constitution d’albums photographiques de voyager en Orient, en Méditerranée, ou au-delà, par procuration, le travail récent de Mégane Likin invite, sans avoir l’air d’y toucher, à voyager dans le temps. Sans avoir l’air d’y toucher car tout semble chez elle hors d’atteinte : le paysage s’efface plus qu’il n’apparaît, balayé par un léger travelling qui pourrait être celui d’un train, mis à distance par une vitre plus ou moins imaginaire, rendu à la fois ordinaire et inaccessible par un éloignement symbolique, contemplé toujours depuis un lieu en retrait, si ce n’est de retraite. On ne s’approche pas, on ne touche pas, on ne s’approprie pas et, à rebours d’une tendance si lourde et si navrante, on ne s’immerge pas : on rêve qu’on voit et on voit qu’on rêve, sans bien savoir d’où ni de quoi. L’œil seul, seul mais formidablement, se retrouve ici mobilisé ; l’œil, donc “tout le reste”.
La mémoire en premier lieu, ou du moins le besoin de narration. Un léger exotisme se surimpose à la lecture des images, une impression de déphasage. L’Asie, oui bien sûr, les vastes états d’Amérique, ou un Grand Nord quelconque — mais si peu reconnaissables. Des bribes de vie, très certainement, mais à peine lisibles. Des détails et des signes, çà et là ; mais plus allusifs que signifiants. La touche de l’artiste est infiniment délicate : elle lorgne vers de nouvelles gammes chromatiques ; s’affranchit de tout modèle, tout en s’avouant référentielle ; ose traduire, avec une fidélité plus profonde que celle de l’image photographique, des paysages jamais vus ; joue du cliché et le déjoue en même temps. Sacrifie tout repère. C’est le fil même de la conscience qui semble balayé ici, bien plus que n’est brossée fidèlement la nature.
On convoquera d’ailleurs moins ici les figures du mouvement — qui n’est dans ces toiles minuscules qu’hypostase ou allégorie — que celles de son absence : cet “art d’être immobile” cher à Pico Dyer (“The Art of Stillness : Adventures in Going Nowhere”), immobile dans un monde où tout bouge ou va trop vite… Cet “art de s’égarer”, beau titre du film consacré par Legrand et Lehman aux derniers jours et à la fuite tragique de Walter Benjamin… Cet art de la promenade, qui est celui “d’être perdu sans se perdre”, comme le formulait Lise Ducleaux, alors en résidence à Marchin, mettant vaguement ou mentalement ses pas dans ceux de Thoreau. Pour sûr, Mégane suivrait volontiers le sentier de ces prédécesseurs-là.
Quant au train, il est la bande passante, sans début ni fin, de tous ces arts et des films qu’ils ont à peine eu le temps de déposer en nous. L’écran ouvert sur le lieu d’un drame fugitif ou d’un bonheur à peine perceptible. Étrange et inquiétante familiarité, dont Mégane creuse le sillon avec une détermination accrue. C’est un documentaire à la fois intime et impersonnel, d’où l’humain a été discrètement évincé, et voilà donc le cadre rendu disponible à de nouvelles expériences, à un nouvel investissement. Un engagement à peindre envisagé comme invitation à se perdre pour se retrouver, entre mémoire gravée et souvenirs fantasmés, entre faits personnels et anecdotes empruntées. L’espace et le temps sont ouverts, la patte seule de l’artiste les relie, sans volonté d’illusionnisme mais avec, confusément, la réelle et utopique aspiration à une forme de vérité, une vérité plus vraie que celle que, banalement, délivrent les preuves, et singulièrement les traces photographiques. Un voyage statique, une contemplation en même temps figée et transitoire. Un besoin de beauté à la fois foudroyant et dérisoire.
Quelques cartes postales, finalement. Autant dire trois fois rien. Vierges et à (r)envoyer d’ici à là, en transit d’un lieu à l’autre, à adresser, comme le dit l’artiste elle-même, “d’un état à un état second”… Manière définitive, de boucler la boucle, de retourner à l’envoyeur ? Et toujours sans avoir l’air d’y toucher : car sous la trompeuse douceur des choses, ciels délavés ou feuillages floutés, c’est la mort qui défile, la tienne, la mienne, peut-être la nôtre, et vaguement celle des images. Au verso, transparente et pudique, la lumière continue d’écrire, inlassablement; et de donner de ses nouvelles…
Paysages éblouis, mai 2022, Emmanuel d’Autreppe » (Source).

L’exposition s’intitule Traversés. Espérons cette traversée amène à de nouvelles opportunités d’exposition et de diffusion de l’art de Mégane Likin.

Plus d’informations
→ Page de présentation de l’exposition sur le site de la Fondation privée du Carrefour des Arts

500 500 Bernard Secondini